„Avec Jolly New Songs, les Polonais de Trupa Trupa dévoilent déjà leur quatrième long-format. Au moment de présenter cette sortie, leurs bagages sont pourtant lestés d’un élément absent jusqu’alors : la pression.
En effet, l’efficacité et la radicalité d’un Headache qui puisait ses racines dans des références bienvenues allant de Slint à Can leur a permis d’obtenir une attention se situant bien au-delà du cercle d’amateurs d’indie en Europe de l’Est.
En pareille circonstance, l’équation à résoudre pour un groupe consiste souvent à rester fidèle au disque précédent tout en s’affranchissant de certains schémas qui pourraient devenir trop mécaniques. C’est en tout cas cette direction que Trupa Trupa emprunte sur ce Jolly New Songs, légèrement moins plombé que Headache, comme l’atteste le choix des titres de ces albums.
Le mal de tête remplacé par la gaieté. Le calme après la tempête, en quelque sorte. Mais sans allégresse béate. Le (relatif) succès n’a pas fait tourner la tête aux membres du quatuor au point de renier leurs constructions évoluant entre indie puissante, méandres psychédéliques et boucles new-wave.
Les atmosphères liquéfiantes et anxiogènes persistent sur Jolly New Songs et les pauses moins austères sont autant des récréations apportant une nuance bienvenue qu’un moyen d’élargir la palette d’influences du groupe. A vrai dire, les Polonais se jouent de nous puisque c’est le morceau le moins désarmant qui donne son nom à ce disque.
Et encore, Jolly New Song explore bien les contours d’une certaine paix de l’âme, mais son interruption abrupte semble exprimer la fugacité d’un bonheur qui pourrait disparaître aussi brusquement que sournoisement. Ce disque mérite d’être compris. D’une certaine manière, il se mérite et s’arrêter à une simple écoute sonique, sans mise en perspective, ne permettrait pas d’apprécier la démarche des Polonais.
Difficile d’imaginer que le relatif succès ait pu contribuer à un quelconque relâchement. Au contraire, cette pression semble avoir rongé les musiciens de l’intérieur. Ils la domptent toutefois habilement, en assumant d’entrée les influences qui sont les plus prégnantes et qui hantaient déjà leur disque précédent.
Ainsi, l’hommage à Slint est évident avec sa basse ronde sur le Against Breaking Heart of a Breaking Heart initial. Cette première partie de disque évolue plutôt vers cette influence aux confins du post-rock et Coffin, plus anguleux, marque une incursion vers un math-rock hypnotique.
Les arpèges d’un Mist mélodique pourront évoquer ceux de Pinback, tandis que l’introduction minimaliste façon Lou Reed de Leave It All laisse place à une batterie assurée pour une exploration avant-gardiste plus entraînante.
Jolly New Songs évolue ensuite vers une atmosphère plus psychédélique évoquant, comme c’était déjà le cas sur Headache, les Black Angels. Aussi, Never Forget dont le refrain homonyme est répété à l’envie évolue sous un déluge d’effets qui précipitent l’ensemble vers une synthpop psychotropique avant que la douceur de Only Good Weather ne s’achève sur un déluge psyché-électrique.
Vient déjà le moment de terminer cette traversée faisant évoluer l’auditeur de la révolte à la transe en passant par l’euphorie ponctuelle, et si les boucles du To Me final semblent familières, ce n’est nullement en raison d’une reproduction trop facile de schémas similaires. Il faut plutôt y voir le fait que les Polonais ont suffisamment posé leur empreinte sur ce disque pour que les atmosphères qu’ils convoquent répondent à une esthétique sonore cohérente.
Et si certains pourraient percevoir un aspect anachronique dans leurs étirements soniques référencés mais néanmoins singuliers, il convient plutôt d’apprécier la transcendance d’influences prestigieuses. Parfaitement produit et percutant sur le plan mélodique, Jolly New Songs permet au combo de Gdansk de résoudre admirablement l’équation qui se posait à eux après la réussite de Headache.”